Du 4 juin au 31 août 2014, 3 expositions présentées à la Maison européenne de la photographie : les photographies de Françoise Huguier, de Marie-Paule Nègre, et de Katia Maciel.
Françoise Huguier. Pince-moi, je rêve
La photographe Françoise Huguier a reçu de nombreux prix, et expose régulièrement dans le monde entier : New York, Moscou, Séoul, Sao Paulo, Johannesburg, Lausanne, Berlin, Londres, Madrid, Bogota, Valence, et Arles.
Elle photographie au plus près, avec une insolence revendiquée. Cette exposition à la MEP est une succession de ces instants glanés auprès des gens avec élégance, sans avoir l’air d’y toucher, et plus que tout proches et intimes.
Françoise Huguier, photographe, grande voyageuse nous fait découvrir à travers son regard :
- La Sibérie polaire, réinterprétée, avec un nouveau choix d’images, assez semblable au cinéma d’Andreï Tarkovski ;
- Une sélection de photographies vintage en noir et blanc, tirées par Jules Steinmetz : le carnet de voyage de Françoise Huguier, de Dakar à Djibouti, Sur les traces de l’Afrique fantôme, inspiré du livre de Michel Leiris, L’Afrique fantôme, et la série Secrètes, dans les chambres de femmes au Burkina et au Mali.
- L’aventure-mode, liée au journal Libération, qui illustre son attirance pour le savoir faire des ateliers et son challenge de réussir, dans des conditions très difficiles et dans le temps très court d’un défilé, à faire des images décalées. Ce monde extrêmement fermé, qui fut pour elle un ancrage et une révélation.
- Une petite chapelle, recréée dans l’exposition, pour présenter la série Les Nonnes, inspirée de l’esthétique des images pieuses du missel de la grand-mère de l’artiste et par le film Thérèse, d’Alain Cavalier.
- Saint-Petersbourg et ses appartements communautaires : des nus et la série des Robes Noires inspirée de Natacha, l’égérie de l’artiste.
- Les K-Pop et les Hijab en Asie du Sud-Est : série de portraits sur la jeunesse des classes moyennes à Bangkok, Singapour, Kuala Lumpur et Bandung. Ce travail au long cours réalisé en couleur révèle l’influence de la culture populaire de la Corée du Sud. Quant aux hijab, c’est une réinterprétation de l’Islam comme phénomène de mode, qu’on pourrait appeler « l’Islam pop ». Ces deux séries illustrent l’évolution consumériste de ces sociétés postmodernes, où l’apparence prend le pas sur l’idéologie.
- J’avais 8 ans, ou l’enfer de la jungle, qui revient sur l’histoire de la fin de la colonisation en Indochine par l’intermédiaire de l’enfance de la photographe au Cambodge, avec des photos bien sûr, mais aussi des lettres de l’époque et les vêtements que portaient les enfants au moment de l’attaque et de l’enlèvement par les Viet-Minh en 1950. Ça, elle ne l’a pas rêvé !
- Enfin, une série de 30 photos inédites, jardin intime de l’artiste, complète l’exposition, dont les objets, souvenirs symboliques, sont aussi partie prenante.
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Marie-Paule Nègre. Mine de rien...
" Marie-Paule Nègre, alors jeune photographe, choisit comme thème de son premier grand travail d’auteur, l’univers du jazz. Rien d’anodin à cela. Le jazz a été créé par – et pour - ceux qui souffraient de l’exclusion raciale et sociale. (...) Les photographies de Marie-Paule Nègre ont cette tonalité-là. Ce son-là.
Remplacez les Noirs américains en lutte pour leurs droits civiques et leur dignité qui ont inspiré le Jazz, par les exclus de la société française, “anciens” ou nouveaux-pauvres, par les femmes mises au ban de la société parce qu’accusées de sorcellerie au Burkina-fasso, par les gamines africaines excisées ou d’autres gavées de force en Mauritanie, par les adolescentes des rues au Guatemala, battues et stigmatisées, ou les petites filles qui découvrent l’école au Rajasthan. Que disent- elles, que racontent-elles d’autre, face à l’objectif de Marie-Paule Nègre, que l’humiliation et le combat pour leur dignité ?
Que revendiquent ces femmes dans le viseur de la photographe, d’autre que leur droit à la justice sociale et à l’égalité de race, de classe et de genres ?
(...) à l’aune des travaux qu’elle a réalisés tout au long de ces vingt dernières années, Marie-Paule Nègre est, à l’évidence, une photographe engagée et concernée. Sans posture. Sans afféterie. " Caroline Laurent-Simon
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Katia Maciel. Répétition(s)
« On pourrait affirmer que le temps est, à certains égards, une invention issue de notre rapport existentiel à la répétition. “Nous sommes ce que nous répétons sans cesse”, affirmait Aristote dans l’Éthique à Nicomaque. L’idée de répétition se manifeste à travers la plupart de mes travaux dans lesquels le temps semble résister au temps. L’utilisation récurrente de la mise en boucle de séquences vidéo n’est pas seulement une figure de style, elle est, avant tout, l’essence même de la poétique qui opère dans les images que je façonne.
Dans Meio cheio, meio vazio (À moitié plein, à moitié vide), je verse l’eau d’une carafe dans un verre mais ce dernier reste toujours à moitié rempli. Le paradoxe contenu dans ce travail est basé sur notre rapport au temps ; l’instant est perçu comme une durée grâce à l’utilisation de la mise en boucle de l’image. Il est alors l’expression de ce qui passe et, dans le même temps, de ce qui demeure. L’instant est perçu comme un flux continu et non comme une unité statique.
Dans Timeless (Sans durée), on observe un sablier dans lequel le sable se déverse dans les deux sens, déstabilisant ainsi notre perception habituelle du temps. » Katia Maciel
Françoise Huguier (Pince-moi, je rêve), Marie-Paule Nègre (Mine de rien...), Katia Maciel (Répétition-s). Du 4 juin au 31 août 2014, Maison européenne de la photographie, 5 / 7 rue de Fourcy 75004 Paris, 01 44 78 75 00, www.mep-fr.org, Métro Pont Marie ou Saint-Paul ? Ouvert du mercredi au dimanche de 11 à 20h. Fermé lundi, mardi, et jours fériés. 8 ou 4,5€
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Enfin, contre l’actualité artistique qui chasse ce que l’on se croyait capable de retenir, les catalogues d’expositions peuvent avoir, quand ils sont faits avec exigence, un rôle certain à jouer.